Modulez vos horaires quotidiens selon les saisons

L'heure d'été est périodiquement remise en question: Elle produit peu de résultat pour beaucoup d'inconvénients. La modulation des horaires d'activité selon les saisons serait probablement plus efficace. Voici comment le calendrier milésien peut y aider.

Le changement d'heure, un canular qui a réussi ?

L'idée de changer autoritairement l'heure pour adapter les activités humaines à la variation de la durée du jour aurait pour origine un canular de Benjamin Franklin. Il suggère l'heure d'été dans une lettre publiée en français par le Journal de Paris du lundi 26 avril 1784, 8e jour de lune. Cette proposition ironique avait pour but de faire des économies de chandelles à la population parisienne: elle devait profiter de la lumière du matin plutôt que de travailler à la lumière artificielle le soir. 

L'entomologiste néo-zélandais George Hudson établit le principe du changement d'heure saisonnier dans un article de 1895. L'Allemagne fut la première nation à mettre en oeuvre ce système en 1916. Elle fut vite suivie par les autres belligérants et même les pays neutres en vue d'économiser l'énergie. Hormis la France, beaucoup de nations renoncèrent à l'heure d'été après la Première guerre mondiale, mais y revinrent pendant la Seconde.  Après la Libération, la France adopta l'heure de Berlin que les Allemands lui avaient imposée, mais sans heure d'été. Au contraire, l'Allemagne pratiqua pendant quelques années trois saisons horaires dans l'année. 

La crise pétrolière de 1973 remit en selle l'heure d'été. La Commission européenne s'empara du sujet au début des années 1980. C'est ainsi que les dates de changement d'heure furent harmonisées dans toute l'Europe à partir de 1998. 

L'Union Européenne se retrouve actuellement plutôt isolée sur ce sujet, la plupart des pays hors d'Europe ayant renoncé à l'heure d'été. L'impact sur les économies d'énergie est difficile à prouver, alors que certains inconvénients sont avérés. Des accidents de voiture arrivent plus fréquemment au crépuscule des premiers jours d'heure d'hiver. Les insulino-dépendants s'adaptent difficilement alors qu'ils ont besoin d'une vie extrêmement réglée. Globalement, de nombreuses personnes déclarent être perturbées pendant quelques jours après chaque changement d'heure. Courant 2019, la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale a lancé une consultation en ligne sur ce thème. Elle a reçu 2 103 999 réponses. 83,71% des participants à cette consultation souhaitaient mettre fin au système de changement d'heure. Les eurodéputés ont voté la suppression du changement d'heure saisonnier le 26 mars 2019, quelques jours avant le passage à l'heure d'été.

Une tentation vieille comme l'Antiquité...

La tentation gouvernementale de réguler l'activité des hommes en modifiant le référentiel du temps par rapport à la réalité des astres n'est pas nouvelle. Déjà Aristophane se moquait des archontes athéniens: ceux-ci ne se privaient pas d'ajouter des jours intercalaires à certains mois lunaires, pour reporter une fête sans en changer la date. Cette pratique possède au moins un inconvénient incontestable: retrouver a posteriori l'instant réel correspondant à une date est extrêmement difficile, car l'historique des intercalations de jours, d'heures ou de secondes peut échapper à la vigilance des auteurs de chroniques. C'est pourquoi les historiens ont tant de mal avec les dates des calendriers luni-solaires grecs de l'Antiquité. Celles de l'empire d'Egypte sont plus simples à comprendre: le calendrier égyptien de 365 jours par an était figé dès les premières dynasties des pharaons. Plus près de nous, les indications horaires pendant la période d'Occupation en France en 1940-1945 sont ambiguës, puisque pendant certaines périodes l'heure légale française différait de l'heure imposée par l'occupant. Rappelons que la période de coexistence entre les calendriers julien et grégorien est source de nombreuses confusions. Certaines régions, au gré de changements politiques, ont pu revenir au calendrier julien après un passage au calendrier grégorien, et ceci essentiellement parce que les nations non catholiques préféraient rester dans l'erreur plutôt que d'avoir raison avec le pape. 

... que l'époque contemporaine a su éviter.

Une confusion semblable se produirait si l'on s'avisait d'imposer le changement de calendrier que l'O.N.U. avait mis à l'ordre du jour peu après la seconde guerre mondiale. Sous prétexte de simplification, le système proposé cassait le rythme millénaire de la semaine de sept jours. Un ou deux jours épagomènes (c'est-à-dire hors de la semaine) étaient intercalés chaque année, afin de créer une correspondance constante entre une date dans l'année et le jour de semaine correspondant. Un jour sans nom séparait le dernier samedi de l'année du premier dimanche de l'année suivante. Il est certain que des communautés ou des pays se seraient insurgés contre cette réforme. Vendredi pour l'un serait lundi pour l'autre, créant un indescriptible désordre pour les échanges internationaux. L'astronome Pierre Couderc, partisan de cette réforme et nommé à la commission de l'O.N.U. pour la faire appliquer, comprit dès sa nomination que la mise en oeuvre en serait impossible. Il s'en explique dans son ouvrage Le calendrier de la collection Que sais-je.

Des représentations concurrentes adaptées

Tout calendrier devrait restituer aussi fidèlement que possible les cycles qui influent la biosphère et l'activité humaine, sans chercher à les modifier artificiellement, mais en facilitant la planification de l'avenir et la recherche historique. Le cycle des semaines, qui nous vient des Babyloniens, doit être respecté comme le cycle du jour, l'année tropique et la lune. Mais rien n'empêche d'utiliser des variantes du référentiel que nous a imposé Jules César, du moment que les règles de conversion sont bien définies, fixes, et aussi simples que possible. Dans un autre registre, l'on voit bien que les marins préfèrent le mille marin au kilomètre pour mesurer les distances, car cette unité est plus commode pour eux et se convertit facilement en kilomètres.

Si l'on veut raisonner sur les semaines, la norme ISO 8601 définit une division de l'année civile en 52 ou parfois 53 semaines. Il s'agit à proprement parler d'un calendrier en semaines, variante de notre calendrier grégorien en jours. Les gestionnaires de projets en entreprise l'utilisent couramment pour planifier et suivre les activités. Les caractéristiques saisonnières essentielles reviennent tous les ans les semaines de même numéro. Aux latitudes tempérées, le même jour d'une même semaine, le soleil se lève et se couche toujours aux mêmes heures, à un quart d'heure près. En utilisant ce calendrier normalisé, on résout facilement les questions pour lesquelles la semaine est l'unité pertinente.

Le calendrier milésien est un autre calendrier alternatif, adapté à la représentation de la durée du jour au cours de l'année tropique. Mieux qu'un changement d'horaire autoritaire, il permet à chacun de tirer parti des variations de durée du jour. Utilisons-le pour proposer un cadre de modulations horaires au cours de l'année.

Six saisons de lumière

Observons les variations de la longueur du jour pendant l'année milésienne à la latitude de 48°. Cette latitude caractérise bien la France, puisqu'il s'y trouvent des villes aussi éloignées que Quimper et Colmar. La durée du jour croît de 7 h 40 min, soit un peu moins que 8 heures, du 1er unème au 1er septème, puis décroît de manière symétrique jusqu'à la fin de l'année.

Supposons que nous sommes situés au méridien central de notre fuseau horaire, c'est-à-dire au méridien de Greenwich, soit environ à 20 km à l'ouest du Mans. Grâce aux mois milésiens, régulièrement alternés de 30 et 31 jours et en phase avec le cycle des saisons, nous pouvons représenter de manière simple les heures de débuts et fins de journée. Nous l'avons fait ici en mentionnant les périodes de changement d'heure tel que pratiqué dans l'Union Européenne. Les heures sont indiquées en heure locale moyenne du méridien, c'est-à-dire à l'heure UTC au méridien 0°. La légère dissymétrie du graphique est due à l'équation du temps: le midi vrai se déplace au cours de l'année par rapport au midi moyen indiqué par une horloge parfaitement régulière.


Deux mois après le 1er unème (soit le 19 février), le jour se lève une heure plus tôt et se couche une heure plus tard qu'au solstice d'hiver. Puis le jour gagne une heure au lever et une heure au coucher chacun des deux mois suivants. Du 1er quintème (22 avril) au 1er septème (22 juin), le jour gagne encore une heure le matin et autant le soir. Par la suite, le jour se lève de plus en plus tard et se couche de plus en plus tôt, de manière quasi-symétrique dans le référentiel des mois milésiens. 

On peut donc découper assez finement l'année tropique en périodes ayant des durées de lumière diurne homogènes, par exemple pour la France métropolitaine:
  • Onzème à secondème (22 octobre au 20 février): 4 mois d'environ 8 à 10 heures de lumière chaque jour.
  • Tertème et décème (21 février au 21 mars et 21 septembre au 21 octobre) : environ 10 à 12 heures de lumière chaque jour.
  • Quartème et novème (22 mars au 21 avril et 22 août du 20 septembre) : environ 12 à 14 heures de lumière.
  • Quintème à octème (22 avril au 21 août) : 14 à 16 heures de lumière.

On définit ainsi quatre classes pour la durée diurne. Ces classes caractérisent six saisons successives de durées inégales dans l'année milésienne. Les activités humaines quotidiennes liées à la lumière du jour peuvent être programmées selon ce référentiel: on modifie les horaires à chaque changement de saison, en ajoutant ou retranchant une heure à l'ouverture et à la fermeture, sous réserve des contraintes liées au personnel et au temps de travail.

Toutefois, en un lieu donné, l'heure du début et l'heure de fin de jour sont influencées de deux manières: par l'équation du temps, qui a le même effet en tout lieu et à toute latitude; et par la différence de latitude et de longitude par rapport au lieu de référence purement conventionnel situé à 48° de latitude et 0° de longitude.

L'équation du temps est la différence entre le midi vrai et le midi moyen. Cette différence est due en grande partie à l'excentricité de l'orbite terrestre. En conséquence, les heures de lever et de coucher ne sont pas symétriques entre le premier et le second semestre de l'année milésienne. Cet écart est manifeste en comparant tertème à décème, mais la différence entre les extrêmes n'excède pas une demi-heure. 


En septembre et octobre, l'écart passe assez vite de 0 à son minimum, presque -17 minutes. L'heure de lever de soleil augmente plus lentement en novème et décème qu'elle ne diminue en tertème et quartème. C'est pourquoi l'Union Européenne a choisi de reporter à fin octobre le changement d'heure. Nous revenons à l'heure d'hiver pour la fête d'Halloween, fête d'origine celte qui désigne le moment où il fait nuit avant même que les enfants ne se couchent. Pour rester plus proche de la différence réelle provoquée par l'équation du temps, il suffit de décaler vers le matin d'une demi-heure au maximum les horaires d'automne par rapport à ceux de printemps.

Les variations locales

En premier lieu, l'heure du fuseau horaire est la même dans l'ensemble de la France. Or, à l'est du méridien de référence, le soleil se lève et se couche plus tôt, et au contraire plus tard à l'ouest. Strasbourg a 22 minutes d'avance sur Paris et 31 minutes sur Greenwich. Et Ouessant est en retard de 20 minutes sur Greenwich. Pour planifier en un lieu donné des horaires d'activités bien coordonnés au soleil, il peut être nécessaire de corriger au maximum de 30 minutes par rapport à l'heure locale.

En second lieu, la variation des durées de jour n'est évidemment pas la même à Dunkerque et à Narbonne. Les six saisons de lumière sont moins marquées au sud qu'au nord. Pour donner une idée, l'écart entre les durées diurnes minimale et maximale est de 8 h 38 min à 51° (Calais et Dunkerque) pour 6 h 22 min à 43° (Narbonne et Hyères). Roissy-en-France, près de Paris, se trouve pratiquement à la latitude 49°, latitude à laquelle l'écart de durée est de 8 heures. Au même méridien, l'écart entre les heures de lever ou de coucher aux solstices, respectivement à 43° et 51°,  est de 35 minutes. L'adaptation des horaires selon les saisons de lumière doit être moins marquée au sud qu'au nord. On peut par exemple ne changer les horaires que de trois quarts d'heure dans le sud au lieu d'une heure dans le nord, ou changer l'horaire de fermeture mais non celui d'ouverture.

Un exemple de modulation horaire en six périodes dans l'année: les horaires de fermeture d'un jardin public à Paris. 

Les horaires de fermeture de jardins publics à Paris tiennent compte du coucher de soleil. Comme proposé ci-dessus, les horaires sont variables selon un cycle de six saisons dans l'année. Pendant les temps de forte variation de l'heure de coucher, les saisons de lumière durent à peinent un mois.

Saisons de lumière réparties en semaines

L'on nous dira que des aménagements d'horaires ne peuvent se faire qu'à un moment précis de la semaine, par exemple entre samedi ou dimanche, ou entre dimanche et lundi. Rien n'empêche de décaler légèrement les dates de changement d'horaires en sorte qu'elles coincident avec des fins de semaine. On peut s'appuyer par exemple sur les semaines ISO. Nous avons observé dans L'Heure milésienne que la semaine ISO de numéro 0, celle qui précède la semaine 1, est aussi celle qui commence immédiatement après le solstice d'hiver. Ainsi le solstice d'hiver se produit toujours la semaine "-1", c'est-à-dire l'avant-dernière semaine de l'année grégorienne, généralement la semaine 51 ou parfois la semaine 52 quand l'année comprend 53 semaines. Les saisons de lumière pourraient alors se répartir ainsi:

Semaine Nombre semaines Mois milésiens Mois grégoriens Minimum lumière
44 à 7 16 ou 17 11m à 2m fin octobre à mi février 8 h
8 à 125 3m fin février à fin mars 10 h
13 à 17 5 4m fin mars à fin avril 12 h
18 à 33 16 5m à 8m fin avril à fin août 14 h
34 à 38 5 9m fin août à fin septembre 12 h
39 à 43 5 10m fin septembre à fin octobre 10 h

Variante

Rien n'interdit de simplifier le système en regroupant entre elles les semaines 8 à 17 et 34 à 43. On aurait ainsi quatre saisons de lumière, successivement de 16, 10, 16 et 10 semaines, et trois régimes d'horaires au lieu de quatre. On arrive ainsi aux trois périodes qu'avait mises en oeuvre l'Allemagne de 1947 à 1949. 

Créer un effet d'entraînement

Cette proposition vise à accompagner la suppression du système de changement d'heure. L'heure légale d'un lieu serait en permanence l'heure du méridien de son fuseau horaire, en France l'heure UTC. Mais les responsables socio-économiques seraient invités à définir des horaires d'activité variables selon les saisons de lumière. C'est-à-dire que les horaires changeraient lors des week-end de passage d'une saison de lumière à l'autre.

Il existe déjà des exemples de modulation horaire. Les jardins publics municipaux ferment de plus en plus tard à l'approche du solstice d'été, et les remontées mécaniques de stations de ski adaptent leurs horaires à l'approche du printemps. D'autres activités peuvent adopter ce principe: certaines activités agricoles, les activités sportives à l'extérieur, etc. Le choix des horaires doit tenir compte de la position du lieu et de l'équation horaire. C'est donc une décision locale.

Si un gouvernement souhaite diffuser à l'ensemble de l'économie la pratique de la variation des horaires en fonction de la saison, il lui suffit à mon avis de moduler les horaires scolaires, en tenant compte bien entendu des réalités locales. Il suffit de consulter un calendrier mural moderne pour se rendre compte que l'indication des vacances scolaires par zone compte beaucoup plus que celle de la lune. Modifier les horaires scolaires selon les saisons, par exemple en profitant des vacances, aurait un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie certainement plus efficace que de chercher à placer midi à quatorze heures comme l'impose l'heure légale française pour l'été depuis 1976.

Commentaires

  1. Cette proposition de modulation horaire solaire est détaillée sur une page du site principal du calendrier milésien:

    http://www.calendriermilesien.org/modulation-horaire-solaire

    Les jalons entre saisons de lumière sont précisés: ce sont des dates faciles à mémoriser en calendrier grégorien.

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