Coeur d'hiver des mers et océans

Ce jour est un jalon climatique: la température de surface des mers et océans de l'hémisphère nord est la plus basse du cycle annuel. Et réciproquement, elle est au plus haut dans l'hémisphère sud. C'est lors de telles périodes que l'on peut rencontrer des records de chaleur ou de froid. 


Chaque année, cet anniversaire passe inaperçu. C'est dans le silence médiatique que je mentionnais en 2018 et à nouveau en 2019 le passage par le minimum de température de surface océanique au nord, deux mois après le solstice d'hiver.

Un réseau de satellites d'observations de la National Oceanic and Atmospheric Administration des Etats-Unis (NOAA) mesure chaque jour la température des surfaces marines sur des mailles de 1° de latitude par 1° de longitude. Les données sont ensuite traitées et regroupées sur le site de la NOAA. J'ai pu traiter les moyennes hebdomadaires des mesures de température et obtenir quelques résultats intéressants. 


Le logiciel libre Mirone, créé par Joaquim Luis, de la Universidade do Algarve (Portugal), m'a permis d'élaborer cette petite animation. Elle restitue la variation de température de surface sur l'ensemble des océans, entre l'hiver 2014 (déc. 2013) et l'automne 2016. Il ne faut pas tenir compte des couleurs sur les continents, qui n'ont pas de signification. La couleur représente la température de surface de l'eau, du bleu foncé pour le plus froid, au rouge foncé pour le plus chaud. La séquence met en évidence une occurrence d'El Niño en 2015-2016: la langue chaude (jaune) qui part du Pérou vers l'ouest est pratiquement invisible en 2015.

Un indicateur paraît pertinent: la moyenne des mesures de températures à une même latitude. En effet, l'éclairement solaire (hors nébulosité) d'une journée donnée est le même en tout lieu d'une latitude donnée.

La figure ci-contre représente l'évolution de la température moyenne de surface selon la latitude pour les années 2014 à 2016. Les températures varient entre 7° en bleu foncé et 19° en rouge. L'on visualise bien la régulière oscillation des températures moyennes entre le Nord et le Sud. 

Une première remarque s'impose. Les variations de températures sont bien plus marquées dans l'hémisphère nord, partie haute de la figure, qu'au sud. L'hémisphère nord comprend une proportion beaucoup plus importante de terres émergées, dont la température change dans des proportions plus grandes qu'au sud.

En second lieu, un minimum de température au nord correspond à un maximum au sud, et réciproquement, aux mêmes périodes respectives.

Analysons plus finement cette pulsation des températures. Avec mes modestes moyens, et compte tenu de la première figure ci-dessus, j'ai commencé par analyser la latitude médiane de 45,5° Nord. Les données de base sont consolidées par semaine. En caractérisant chaque semaine par son jour médian, on obtient une courbe périodique, dont vous voyez ci-dessous un extrait sur une année.

Ce qui frappe ici, c'est que le minimum arrive vers le 1er tertème, juste deux mois après le solstice d'hiver. Et le maximum, quoiqu'un peu accidenté en l'année 2015, vers le 1er novème, en symétrie par rapport au précédent. Cela se voit plus facilement avec le référentiel des dates milésiennes.

Les figures relatives à une année sont chacune un peu irrégulières, en raison de la variabilité du climat.

Mais on peut moyenner les données des mêmes semaines sur l'ensemble des 26 années 1990 à 2016.

Ci-après, les graphiques obtenus en numérotant les semaines en sorte que la semaine 8 contienne toujours le 1er tertème, et la semaine 34 le 31 octème.

A la latitude 45,5° nord, la température moyenne varie entre 7° et 18°. Le minimum est atteint la semaine du 1er tertème. Le maximum est atteint la semaine 34, qui lui est symétrique. C'est la semaine du 31 octème, veille du 1er novème. Ce graphique confirme l'intuition que nous avions avec la précédente: c'est vers le 1er tertème que les eaux sont les plus froides en zone tempérée du nord, et vers le 1er novème qu'elles sont les plus chaudes.


Considérons maintenant la latitude 45,5° sud, symétrique de la précédente. Entre les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants, la température ne varie que de 4°, pour 11° au nord. Le maximum de 12° est atteint la semaine 9, celle du 8 tertème. Mais la température moyenne de la semaine 8, seconde au podium, n'est inférieure que de 0,03°. A l'opposé, les températures des semaines 36 à 38 sont dans un mouchoir de poche de 0,04°, juste au-dessus de 8,05°. La semaine 34, cette du 31 octème, reste parmi les plus froides avec 8,14°. Sans être la date la plus froide des eaux de l'hémisphère sud, le 1er novème ouvre la période la plus froide.

Cette pulsation des températures marines, phénomène à l'échelle de la planète, n'est guère connue que de quelques spécialistes des océans. C'est dommage. Toute personne soucieuse de comprendre le rôle crucial des océans dans l'évolution du climat devrait connaître ce cycle, guère plus complexe que celui des saisons: les océans du nord sont le plus froids le 1er tertème, le plus chauds le 1er novème. Et symétriquement dans l'hémisphère sud.

Cette connaissance de base met en relief les observations récentes de records de température relevés par des stations argentines en Antarctique. Sciences et avenir mentionne plusieurs records, qui se produisent tous dans la période actuelle: 6 février soit 17 secondème 2020, 24 mars soit 3 quartème 2015, 24 février soit 3 tertème 2013. Toutes ces dates sont entre mi-secondème et le tout début de quartème, et non pas à proximité du solstice d'été austral, début unème. Ces records de température  se produisent à un moment où déjà la température est élevée, c'est pourquoi on les remarque: ce sont  des records absolus.

Cet exemple simple démontre en quoi la maîtrise de base du calendrier milésien permet d'accéder à une connaissance plus profonde des phénomènes climatiques.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Dépasser le calendrier grégorien