A quand le 500e anniversaire de Léonard de Vinci?

Est-il trop tôt, le 2 mai 2019, pour fêter le 500e anniversaire du décès de Léonard de Vinci, puisque ce n'est que dimanche 12 mai que se seront écoulés 500 ans depuis sa mort?


Force célébrations, manchettes de journaux et discours présidentiels nous sont servis ce 2 mai 2019. C'est, nous dit-on, le cinq centième anniversaire de la mort de Léonard de Vinci. Or, s'il est vrai que le génie européen a expiré le 2 mai 1519 au château du Clos Lucé, cinq cents ans ne se sont pas tout à fait écoulés depuis lors. Le 2 mai 1519 est une date du calendrier julien, qui correspond au 12 mai du calendrier grégorien, notre calendrier actuel. La mort du maître a eu lieu à une date plus avancée dans le cycle des saisons et dans tous les calendriers solaires. Son décès date du 21 ordibehešt 898 selon le calendrier persan, du 22 vaishākh 1441 en calendrier indien moderne, enfin du 21 quintème 1519 en calendrier milésien. Or, ce 2 mai 2019, nous ne sommes que le 11 quintème 2019, le 12 ordibehešt 1398 ou encore le 12 vaishākh 1941. Tous ces calendriers solaires nous suggèrent de reporter la célébration de 9 ou 10 jours, soit le 11 ou le 12 mai. 

L'on me dira qu'ici le symbole de la date prend le pas sur l'exactitude du nombre des jours ou de la position dans le cycle des saisons. Cet argument est totalement recevable. Après tout, si l'on se réfère à d'autres calendriers, ces 500 ans pourraient être célébrés dès le 8 quintème (29 avril, 8e jour après Pâques), le 15 quintème (23 avril du calendrier julien, 8e jour après la Pâque julienne des orthodoxes), le 17 quintème (4 du 4e mois lunaire chinois) ou encore le 15 sextème (2 sivan du calendrier hébraïque, qui correspond en 2019 au 5 juin).

Reprendre la même date faciale du 2 mai est le plus simple à expliquer aux foules, mais procéder ainsi est reconnaître implicitement la maîtrise particulière de l'Occident chrétien sur le calendrier. Car si c'est un Romain, Jules César, qui a promulgué les mois de notre calendrier, ce sont bien les savants et les autorités ecclésiastiques de la Rome chrétienne qui ont incorporé la semaine, choisi une origine des années, défini un algorithme pour fixer sans ambiguïté la date de Pâques, et finalement ont élaboré la réforme grégorienne de 1582. C'est ainsi que s'est formé ce calendrier devenu référence universelle. C'est pourquoi je reste sidéré de cette idée saugrenue de vouloir gommer le nom de Jésus-Christ pour désigner l'ère d'après laquelle nous comptons les années. Après tout, les Thaïlandais comptent les années après la mort ou "l'enlèvement" de Bouddha sans que personne ne trouve à y redire. Et je ne crois pas faire un crime de lèse laïcité quand je décris l'Hégire, origine des calendriers lunaires musulmans, comme l'acte fondateur de la nouvelle religion. Pourquoi seule l'origine calendaire nommée d'après Jésus-Christ devrait-elle être débaptisée ?

La chrétienté a adopté le calendrier de l'empire romain, qui avait été promulgué par Jules César en 45 av. J.-C. En réalité l'Occident n'a pas cessé de modifier ce calendrier pour y intégrer sa propre culture. Il n'est pas sûr qu'un Romain de la fin du premier siècle avant notre ère s'y reconnaisse s'il revenait aujourd'hui. Certes il retrouverait les mois romains de tradition immémoriale, avec les durées imposées par César et jamais modifiées depuis, contrairement à ce qu'une légende infondée née au douzième siècle colporte. Mais notre Romain de l'antiquité serait surpris de nous voir compter les jours à partir du début de mois, lui qui comptait les jours avant les prochaines nones, les prochaines ides, ou les calendes du mois suivant. Il serait choqué de nous voir ajouter un vingt-neuvième jour à février, lui qui redoublait le sixième jour avant les calendes de mars en un bis sextus dies, qui a donné notre adjectif bissextile. Notre contemporain d'Auguste serait étonné du rythme de la semaine de sept jours, rythme créé par les Babyloniens, adoptés par les juifs de la Déportation, transmis aux chrétiens qui l'ont imposé au monde entier. Enfin, notre Romain s'interrogerait sur les calculs savants et compliqués de la date de Pâques. A quoi bon renoncer au rythme des mois lunaires, comme l'a fait la réforme julienne, si c'est pour synchroniser la plupart des fêtes religieuses sur la pleine lune de printemps ?

La réforme que l'on qualifierait de disruptive de Jules César a permis un progrès considérable dans la relation au temps. Il suffit pour s'en convaincre de voir la difficulté à dater les événements des calendriers luni-solaires du monde méditerranéen, alors que les événements datés en calendrier julien sont précis et mémorisables dans des chroniques. 

Malgré toutes les réformes passées du calendrier de César, celui-ci semble aujourd'hui comme empêché d'évoluer. De nombreuses initiatives du 19e et du 20e siècle n'ont pas abouti. J'observe que toutes ces tentatives voulaient casser le rythme de la semaine, soit avec des cycles de 8 à 10 jours, soit en cherchant à ajouter un "jour hors semaine" de temps en temps. Les gouvernants ont heureusement refusé ces évolutions que les peuples n'auraient pas acceptées. Imaginez-vous qu'il soit lundi chez vous, et mercredi au-delà de la frontière ? Mais certaines évolutions simples ont été possibles, comme de définir un calendrier en semaines avec des années de 52 ou parfois 53 semaines. 

Dans ces réformes, personne n'a cherché à remettre en cause les mois romains, malgré leurs nombreux défauts: très inégaux, à l'alternance irrégulière, non représentatifs des saisons. Le calendrier milésien réduit les défauts résiduels des mois romains et les inconvénients du recalage de la réforme grégorienne, en complément plutôt qu'en remplacement du calendrier grégorien. Il ne remet en cause ni la semaine, ni l'intercalation grégorienne, mais permet une bien meilleure maîtrise de la variation de la durée du jour, de l'anticipation des marées, et même du calcul des jours de semaine dans une même année. Il permet de prendre facilement conscience de l'inégalité des saisons, des rythmes saisonniers des océans et des calottes glaciaires. Il nous redonne la maîtrise du temps. Qu'attendons-nous pour l'apprendre et le faire connaître?

Commentaires

  1. Je te conseille de (re)lire les nouvelles de Marcel Ayme notamment "la carte " qui parle de l'élasticité du temps
    C est dans le recueil savoureux du Passe-muraille

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  2. Merci chère MLV de cette orientation. Je ne vois pas a priori le lien de cette nouvelle avec mes idées sur le calendrier, mais je reconnais que des ingrédients communs y sont. Le point de rencontre est la prétention imbécile des gouvernants à vouloir maîtriser le temps de leurs sujets, quitte à changer leur perception du vrai temps, celui des saisons que les astres nous indiquent sans faillir. Quelque ancien Grec mentionnait déjà que la lune prescrite par les archontes n'était pas celle de Séléné. Pour des raisons pratiques, l'archonte avait décalé le jour d'occurrence d'une fête en allongeant artificiellement le mois lunaire précédent. Ainsi, la fête avait bien lieu à la date prescrite, sauf que le mois lunaire officiel ne correspondait pas à celui que l'on pouvait observer. C'est ce désordre qu'a voulu réduire Jules César avec son calendrier solaire. Il savait bien de quoi il parlait, lui qui pendant de nombreuses années avait omis de prononcer le 13e mois lunaire. De nos jours les gouvernants vont bien chercher midi à quatorze heures en calant la France sur le fuseau de Berlin et en lui imposant l'heure d'été.

    Mon propos, tu l'as compris, est tout l'inverse. Je veux redonner à chacun la possibilité de retrouver la maîtrise du temps des saisons; de comprendre quelles saisons "vraies" sont plus courtes ou plus longues; comment s'échelonnent dans le "vrai" cycle des saisons les phénomènes climatiques que nous savons désormais mesurer, comme la pulsation annuelle de la calotte glaciaire ou de la température des océans; comment planifier la performance énergétique d'une centrale solaire individuelle. Tout cela sans faire table rase du calendrier traditionnelle, mais en proposant un nouveau référentiel, comme une seconde langue.
    Merci de tes encouragements fidèles.

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